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Le blog de Banta-WAGUE

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C'est l'espace idéal pour partager le plus cher au monde avec mes chers frères, amis, sœurs et le monde entier ; celui du savoir. B.W


Le malentendu et la fin de la gouvernance Dia

Publié par Banta-WAGUE sur 22 Novembre 2013, 13:09pm

Catégories : #Politique et religion au Sénégal

Le président Dia avec sa grande conviction pour le progrès du Sénégal n’a pas trouvé une compréhension d’une partie importante de la classe politique et maraboutique sénégalaise. Il avait plusieurs projets mais l’application de ces projets rencontrait beaucoup de difficultés. Le malentendu a été installé entre le président Senghor et son « premier ministre » Mamadou Dia d’une part et entre celui-ci et certains fonctionnaires et chefs religieux d’autre part.

Cet éclairage du président Dia sur la question est important : « C’était assurément, trop de choses à la fois qui n’étaient pas du goût de tout le monde. Dès lors, certains allaient constituer la coalition des forces réactionnaires. Toute cette politique devait, naturellement, susciter une levée de boucliers, ne serait-ce qu’au plan intérieur, de la part des différentes catégories sociales qui se sentaient menacées.

C’étaient d’abord les fonctionnaires qui voyaient l’effort essentiel porté en faveur des paysans. Rappelons que les traitements des ministres avaient été bloqués. Je prêchais l’austérité en donnant l’exemple moi-même […].

Certains Marabouts recevaient du pouvoir des prébendes. L’administration coloniale les y avait habitués. Evidemment, avec moi tout cela n’existait plus. Je prêtais à ceux des chefs religieux qui étaient vraiment travailleurs et qui remboursaient leurs dettes. C’était le cas d’un homme comme Falilou Mbacké, le khalife des mourides. C’étaient des prêts à la production, que je refusais d’accorder aux mauvais payeurs. Cela, aussi était un nouveau style qui n’a pas plu.

Par ailleurs, la politique de coopération avait touché les intérêts non seulement des traitants, mais aussi de ceux des marabouts qui étaient traitants en même temps »[5].

Il continue sur le même sujet pour dire qu’un front était organisé afin de faire croire au khalife général des mourides que sa politique économique est un danger pour les « champs du mercredi ou tollu alarba »[6] : « Toute une stratégie a été déployée alors pour créer la suspicion, voire l’hostilité des milieux religieux envers moi. On a convaincu le khalife des mourides que la politique de création et de vulgarisation des champs collectifs de mon gouvernement visait la destruction des “ champs du mercredi” Mon acharnement à consolider les coopératives paysannes avait été, également, présenté comme une volonté de saper l’autorité que la chefferie religieuse exerçait sur le monde rural […].

Evidemment, c’était faux, mais la manœuvre a été payante puisque mon projet de conseil supérieur islamique n’a pas été soutenu.

J’ai déjà dit (ailleurs) qu’une certaine catégorie des marabouts m’était hostile : c’étaient tous ceux que menaçait la politique de libération paysanne, par l’éducation populaire et la conscientisation des masses […] »[7].

Il ajoute que « plus tard, lors des événements de décembre 1962, mes adversaires échafaudèrent une machination policière du plus bas étage pour faire croire au khalife Falilou Mbacké que je m’apprêtais à le faire arrêter. Une lettre fabriquée de toutes pièces, dont la paternité me sera attribuée, sera adressée – directement - au chef de la gendarmerie de Mbacké en personne, pour lui donner l’ordre de procéder à l’arrestation du khalife des mourides. Le gendarme ira se rouler par terre devant le chef religieux, déplorant en pleurant et en geignant d’avoir reçu un ordre qu’il était impossible d’exécuter »[8].

Malgré ce malentendu , Mamadou Dia a manifesté sa profonde considération envers la confrérie mouride : « ce qu’il importe de savoir, c’est que bien qu’appartenant, dés ma prime jeunesse, à la confrérie Tidjaniya, j’ai toujours voué au mouridisme et à son fondateur une fervente admiration et que, chef de l’exécutif, je n’ai pas fais, pour ma confrérie, ce que j’ai fait pour la confrérie mouride : c’est, en effet, pour elle […] que j’ai accordé l’aval du gouvernement pour une demande de prêt à l’ex-(Banque de l’Afrique Occidentale) BAO, destiné à financer la dernière tranche des travaux de gros œuvre de la mosquée de Touba »[9].

Ce malentendu entre Mamadou Dia et les chefs religieux est un fait déplorable qu’il fallait éviter. Il lui fallait une campagne médiatisée pour faire connaitre ses réformes au public notamment les dignitaires de l’islam sénégalais. Il fallait commencer par réformer l’administration. Même si nous trouvons que la politique de Mamadou Dia vis-à-vis de ces chefs religieux qu’il nommait des « mauvais payeurs » était une bonne démarche. Il fallait une grande vigilance pour ne pas se confronter à cet obstacle à cet instant.

Le président Dia achève sa version sur ce sujet en disant que « plus tard, le saint homme découvrira, lui aussi, qu’il a été victime d’une manipulation diabolique »[10].

Après plusieurs manipulations le gouvernement du président Dia est tombé par le vote d’une motion de censure. Lui-même accusé d’un coup de l’Etat fût arrêté en 1962 et ses projets furent arrêtés. Il effectuera un retour dans le champ politique après sa libération mais sera opposant au pouvoir en place d’Abdou Diouf. Notre prochain article traitera la relation de ce dernier et la hiérarchie maraboutique.

[5] Mamadou Dia, Afrique le prix de la liberté, L’harmattan, Paris, 2001, op. cit., p.174.

[6] Une tradition selon laquelle les fidèles de la confrérie mourides consacraient ce jour de la semaine à cultiver les champs du marabout.

[7] M. Dia, op. cit., p. 175-176.

[8] M. Dia, op. cit., p. 177.

[9] Ibid.,

[10] Idem.,

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